Face à la double crise du climat et de la biodiversité, le secteur du bâtiment est en première ligne.
À La Réunion, où 80 % des matériaux sont importés, repenser nos manières de construire est un levier crucial pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, renforcer l’autonomie du territoire et préserver ses écosystèmes uniques. Le béton bas carbone, enrichi de matériaux locaux comme le métakaolin, ouvre une voie prometteuse vers une économie circulaire respectueuse de l’environnement.
Aujourd’hui, le béton est le matériau de construction le plus utilisé au monde… mais aussi l’un des plus polluants. La fabrication du ciment Portland, ingrédient clé du béton, représente environ 8 % des émissions mondiales de CO₂ (source : Chatham House). À La Réunion, la dépendance à l’importation aggrave encore l’empreinte carbone du secteur mais l’adoption des matériaux bas carbone se heurte à plusieurs freins : une forte dépendance aux matériaux importés, l’absence d’industries locales capables de produire des alternatives comme le métakaolin, et des normes techniques encore peu adaptées à ces nouvelles solutions.
En parallèle, l’artificialisation des sols liée à l’urbanisation fragilise la biodiversité insulaire déjà menacée : fragmentation des habitats, érosion, perturbation des écosystèmes. Ce phénomène réduit aussi la capacité des milieux naturels à jouer leur rôle de régulateur face au climat, en aggravant les effets des fortes pluies, des inondations ou des cyclones, dont la fréquence et l’intensité augmentent avec le réchauffement.
Face à l’urgence climatique, plusieurs alternatives au ciment traditionnel émergent pour réduire l’empreinte carbone du béton. Le principe : remplacer une partie du clinker, composant le plus émetteur de CO₂, par des matériaux dits « pouzzolaniques » ou « cimentaires secondaires ». Parmi eux, le métakaolin, issu de la calcination de kaolin, offre de hautes performances mécaniques tout en réduisant significativement les émissions. D’autres solutions s’intègrent dans une logique d’économie circulaire : le laitier, sous-produit des hauts fourneaux ; les cendres volantes, résidus des centrales thermiques ; la pouzzolane, roche volcanique disponible localement ; ou encore les fines de béton recyclé, issues de la déconstruction et micronisées pour être réintégrées dans de nouveaux bétons. Ces matériaux, en partie disponibles à La Réunion, permettent de concevoir des bétons bas carbone tout en valorisant des ressources locales ou des déchets industriels, avec un fort potentiel pour structurer une filière durable sur le territoire.
À La Réunion, l’entreprise Teralta a lancé au Port une usine pionnière dédiée à la production locale de ciment bas carbone, capable de réduire jusqu’à 70 % des émissions de CO₂, soit l’équivalent des rejets annuels de 30 000 véhicules thermiques. Grâce à une technologie de broyage ultra-fin et à l’utilisation de matériaux alternatifs comme le laitier (un sous-produit de la production de fonte dans les hauts-fourneaux), les cendres volantes (un sous-produit de la combustion du charbon dans les centrales électriques), la pouzzolane locale ou les fines de béton recyclé, cette initiative marque un tournant pour le BTP réunionnais. Dès 2025, une première gamme de ciments bas carbone sera commercialisée, suivie d’une version très bas carbone en 2026, avec une certification NF en ligne de mire. Ce projet ancre concrètement l’île dans une trajectoire de construction durable, circulaire et résiliente.
TERALTA LANCE UNE USINE PIONNIERE pour la production locale de ciment bas carbone - Leader Réunion
La Réunion dispose de plusieurs gisements et sous-produits qui pourraient alimenter une filière locale de béton bas carbone. Des poches de kaolin ont été identifiées notamment dans les régions de Sainte-Rose et du Tampon, ouvrant la voie à une production locale de métakaolin après calcination, à condition de développer une unité adaptée. Par ailleurs, les déchets minéraux issus des carrières (roches volcaniques, fines, sables non conformes) représentent une ressource encore largement sous-exploitée. Valorisés correctement, ces matériaux pourraient servir d’ajouts ou de substituts partiels au clinker dans les formulations de ciment ou de béton. Leur utilisation permettrait à la fois de réduire l’impact environnemental de la construction et de limiter les extractions supplémentaires en réintégrant ces sous-produits dans le cycle de production.
L’Université de La Réunion mène des recherches sur l’activation du kaolin disponible sur l’île afin de produire du métakaolin performant. Parallèlement, Cycléa et GTOI pilotent des projets d’intégration d’ajouts minéraux dans les formulations de béton, explorant des solutions innovantes et adaptées au contexte réunionnais. Depuis quelques années, cette collaboration se concrétise par des projets pilotes tels que la production de béton bas carbone utilisant le ciment innovant de Hoffmann Green Cement Technologies, formulé sans clinker, pour le chantier de Ravate Professionnel dans l'Est de l'île. Cette initiative s'inscrit dans une démarche plus large visant à réduire l'empreinte carbone du secteur de la construction en exploitant des matériaux locaux et durables.
La révolution du ciment bas carbone atteint l’océan Indien - Leader Réunion
À La Réunion, plusieurs obstacles freinent aujourd’hui l’essor des matériaux bas carbone dans le secteur de la construction :
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Pour aller plus loin 👉 AQC - Rapport « Béton bas carbone - Perspectives et recommandations »
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